Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Espace public républicain - Champeaux, architecte
Derniers commentaires
21 juillet 2006

suite et fin du livre

Si la première partie de notre livre vous a laissé en haleine, vous allez être rassasié :

DEUXIEME PARTIE : CREATION D'UN ESPACE REPUBLICAIN

Liberté, Egalité, Fraternité place Saint Melaine

a : Ce serait bien de faire un espace républicain en hommage au citoyen : l’égalité, c’est mettre tous les hommes au même niveau, c’est créer un espace qui réponde à tous les besoins et à toutes les attentes. Dans notre démocratie, ils sont les acteurs de la vie publique.
La liberté, c’est se mesurer à quelqu’un : un tyran qui n’a pas d’opposition n’a pas de liberté. Il est libre justement parce qu’il a des sujets qui pèsent sur sa liberté de décision. Sans limite, sans vis-à-vis qui s’oppose à lui, l’homme n’a rien à dépasser ou à transgresser et n’est pas libre. C’est parce que les pelouses du parc sont belles et soignées, que le passant exprimera sa liberté en les foulant.
Et la fraternité, c’est la solidarité entre les gens, échanger, partager. Nous sommes tous sur un pied d’égalité, il faut donc s’entraider, communiquer, discuter.
s : Imaginons donc comment ces idées pourraient se traduire dans l’espace Saint Melaine :
Liberté : pourquoi ne pas créer un parc sans chemin ? Comme cela, le promeneur décidera d’aller où bon lui semble (couper par la pelouse, prendre ou éviter les chemins déjà tracés par l’architecte, contourner un obstacle ou le franchir…) Au fil des passages, des sentiers se dessineront d’eux-mêmes dans le parc, traces qui auront été voulues par les cantepiens, non par l’architecte.
Créer un jardin libre, c’est laisser au temps le soin de dessiner le jardin, c’est l’opposé du jardin prédéfini et immuable, de l’idée géniale qui a été publiée...
... N’oublions pas le mobilier urbain. Dans ce parc, j’aurais envie de pouvoir m’asseoir sur un banc et d’avoir mon voisin en face de moi pour pouvoir lui parler. Je voudrais aussi pouvoir m’asseoir et regarder dans toutes les directions, à 360°, sans être contrainte de regarder un paysage qui ne me plaît pas.  Comme je suis libre, debout sur ce qui est peut-être un siège, je peux héler mon ami de loin, où assurer mon petit spectacle quotidien.
a : Concernant, l’égalité, on l’a dit, tous les hommes sont acteurs de la vie de la Cité. La place sera une scène pour les cantepiens. Une scène qui est à la fois une estrade et une esplanade, suffisamment dépouillée pour que ce qui s’y passe soit vu de loin et mis en valeur. On la traverse, on harangue la foule, on prend position, on s’exprime sur la vie locale, on interpelle son voisin… On y est à la fois anonyme, libre, et vu par tous. Le regard de l’autre peut paralyser, pousser dans ses retranchements, être recherché...
Elle est entourée de gradins sur lesquels le promeneur s’installera et assistera au spectacle de la rue. Une ville qui se regarde avec plaisir, c’est pas mal...
La scène prend la forme du cercle qui place tout le monde à égale distance du centre. C’est l’exemple de la piste de cirque ou du cercle initiatique qui rassemble la tribu. Le cirque... tout un souvenir d’enfance... une imagination sans limite... je vois bien le maire en clown blanc...
s : Et parce que notre place est un cercle et qu’il s’agit d’une place républicaine, elle pourrait prendre les couleurs de la cocarde : bleu, blanc, rouge ! Quoi de mieux qu’un symbole accepté et reconnu par tous pour rassembler les habitants de Chantepie ? Le cercle central pourra être un bassin en mosaïque bleue qui réfléchit la lumière, entouré d’un cercle blanc, neutre, mat et d’un contour de couleur rouge, qui brille. C’est la fête !
a : Oui. Mais n’oublions pas que l’espace public est aussi un espace révolutionnaire : c’est le lieu des revendications, de l’expression des opinions politiques (la cage aux lions du cirque)... Il faut donc chercher du côté de la Révolution pour habiller notre place. A cette époque, les révolutionnaires se promenaient avec les têtes de leurs opposants au bout d’une lance.
s : C’est peut-être un peu violent comme mobilier urbain... Mais admettons. Couper symboliquement la tête au racisme et à l’intolérance en exposant celle des opposants historiques et internationaux à la démocratie et aux droits de l’homme, comme Hitler, Pinochet, un membre du Ku Klux Klan...
a : En face, on mettrait les personnes qui ont défendus la liberté et l’égalité entre les hommes : Martin Luther King, Gandhi...
De républicaine, notre place devient révolutionnaire et n’a pas peur de l’afficher... la Révolution si chère à notre Constitution.
s : Quand est-il de la fraternité ?
a : La fraternité appelle l’action, renvoie aux notions de partage, respect, échange, responsabilité, solidarité. Elle implique aussi qu’il faille faire confiance à l’habitant, comme la démocratie fait confiance au sens civique de chaque femme et de chaque homme. La fraternité demande la participation du citoyen à la vie publique.
Sur le modèle d’une expérience réussie à Metz, nous pouvons installer au cœur du parc une bibliothèque qui serait en libre accès et approvisionnée par les habitants eux-mêmes : ils apporteraient un livre pour le faire découvrir à d’autres et en échange, ils auraient le plaisir d’en consulter un autre ou de repartir. Pratiquer le troc comme mise à disposition fraternelle de ses connaissances, de ses découvertes.
s : C’est risqué comme idée. Et le vandalisme, les dégradations... ?
a : Il faut faire confiance au citoyen, c’est ça la démocratie ! Si on ne donne pas aux citoyens le moyen de montrer qu’ils sont responsables comment pourront-ils l’être ? Il faut un peu de culot, c’est tout. Mais je ne vois pas pourquoi les habitants iraient dégrader cette bibliothèque qui leur appartiendra.
s : Je me vois bien avec mon copain échanger librement, manifester sur la place, discuter sur les fauteuils du coin bibliothèque, jouer au foot sur la vaste pelouse ou autour du panier de basket végétal, patauger dans la fontaine ou, plus risqué... faire du skate sur les marches de la place !

Ballet urbain

a : J’ai lu un article dans le Herald Tribune qui présente un projet urbain sur Union square à New York. C’est le résultat de la collaboration entre un architecte et un chorégraphe. Ils ont aménagé une place en imaginant que les personnes qui la traverseront formeront comme un ballet. L’aménagement de la place, avec ses obstacles (bancs, candélabres, kiosques), changeait le comportement des foules, qui savaient instinctivement l’employer. Chaque personne, par ses déplacements, amplifiait cette vaste chorégraphie urbaine et contribuait à la magie du lieu (« locus luci » ?).
s : Nous pourrions reprendre cette idée pour notre parc ! Dessiner un espace avec des obstacles naturels (haies, buissons, arbres, passerelles…) que les promeneurs contourneraient à leur guise... danseurs !
a : ... l’espace public est un espace collectif dans lequel le mouvement de la foule a un rythme, une souplesse qui raconte l’humeur du jour, le temps qu’il fait, la tension des gens, l’ambiance de la ville... imaginons place Saint Melaine... le jour d’une finale... de foot...

Proposer des ambiances

s : A propos d’ambiances, aménager des espaces publics, c’est proposer des lieux quotidiens dans lesquels les habitants aimeront peut-être flâner ou qu’ils parcourront rapidement parce qu’ils s’y sentent mal à l’aise.
a : L’espace a surtout une puissance en lui-même qui bouscule, rejette son créateur... c’est Pinocchio !
s : On peut néanmoins imaginer les personnes qui traverseront nos espaces républicains.
Par exemple : la place est le lieu du spectacle, de la prise de position, de la confrontation. Le citoyen traverse la place... clac, clac, clac... ses pas retentissent... il danse des claquettes... se révèle... et prend toute sa dimension d’acteur de la cité. Aérée, exposée, la place empêche l’anonymat.
a : ... c’est pas mal, continue.
s : Le parc de la liberté est le lieu du loisir et de la facétie. Il n’y a plus la contrainte de la place où l’on est soumis au regard de l’autre. Le passant joue, détourne les obstacles à sa guise, traverse la pelouse sans faire de bruit... on applaudit...
Quant à la bibliothèque de la fraternité, elle constitue un coin plus calme, propice au partage et à la rencontre. Les habitants peuvent créer des liens entre eux, loin du tumulte de la ville et de la place républicaine.

Oser les couleurs de la rue

s : Et si on continuait avec les couleurs. Elles parviennent souvent à créer des ambiances, à influer sur nos humeurs...

a : La couleur dans l’espace public, c’est presque provoquer une révolution. Le rouge, le jaune, le bleu, toutes ces couleurs criardes « font HLM ». Un directeur d’HLM te dirait « Mettez-moi du beige ou du blanc pour faire « résidences privées ». On est proche du lys royal... Avec de tels préjugés... faut-il porter des cravates pour exister ?
s : C’est vrai qu’il ne faudrait pas stigmatiser les résidences HLM. Ces logements véhiculent déjà une image négative, n’en rajoutons pas.
a : L’art populaire lance les idées, la mode exploite... Et si c’était aux résidences privées de prendre exemple sur les résidences HLM plutôt que l’inverse ? Surtout qu’en Europe (Italie, Espagne, pays du Nord et de l’Est) et dans le monde (Canada, Inde...) les habitations sont souvent plus colorées qu’en France. Osons la couleur !
s : Essayons alors de voir si on peut mettre de la couleur sur nos place, parc, bibliothèque :
On qualifie souvent la couleur rouge d’agressive ; de même qu’un blanc éclatant peut être aveuglant. Ces deux couleurs ont en tout cas la faculté d’apporter un dynamisme, une envie d’agir et de réagir qui s’accommodent bien avec une place destinée à la parole publique, à l’échange et à la confrontation d’idées entre les citoyens (le rouge est la couleur du rideau de théâtre !)
Le bleu et le vert sont les couleurs de la nature, le blanc, symbole traditionnel de pureté, évoque un espace dépouillé de tout conflit. Pourquoi ne pas aménager en espace vert, avec des touches blanches et bleues, ce lieu de détente, de liberté et de loisir, loin des contraintes de la vie civile ? Ces couleurs claires donnent spontanément envie de s’ouvrir aux autres et constituent un support naturel à notre espace de liberté.
a : Ne tombe pas dans la dictature des espaces verts. Les habitants comme les élus ne jurent plus que par eux. Comme si seuls les espaces verts avec leurs arbres, leurs pelouses et leurs fleurs, étaient capables de rendre l’urbanité agréable. Ça me rappelle la phrase de Roger Vaillant : « Une des idées les plus fausses de l’urbanisme moderne : les « espaces verts ». Un arbre ne prend sa valeur que dans l’isolement, un gazon que dans un cadre de pierre. Le luxe, la beauté des patios, c’est que le végétal est toujours encadré, mis en écrin. »
Créons des espaces bleus, jaunes, rouges, gris ! La ville est multi facettes, qu’elle soit multicolore ! Les façades colorées ou travaillées, les rues étroites et ombragées, les terrasses, les perspectives, le mobilier urbain contribuent autant à l’esthétique de la ville que les espaces végétalisés.
s : Alors, continuons avec les couleurs de notre bibliothèque :
Les bibliothèques, les endroits intimes d’un appartement sont souvent aménagés dans des couleurs chaudes et assez foncées (mauves, bruns...) propices au repli sur soi et au calme, créant ainsi un univers d’intimité où il fait bon se retirer et « recharger ses batteries ».
a : Et les couleurs du drapeau français : le rouge, symbole de la révolution, le blanc de la monarchie, le bleu, des nuages, de la poésie et du ciel, mais c’est surtout la couleur préférée des français. Allez les Bleus !
... N’oublions pas que la couleur se joue aussi de l’ombre et de la lumière.
s : Alors, créer pour la place, un espace lumineux et éclatant, comme la voix d’un acteur éclate sur scène, comme les feux de la rampe...
Le parc, quant à lui, est un espace dans lequel le soleil joue à cache-cache avec les feuilles, faisant alterner l’ombre et la lumière, comme un clin d’œil complice gorgé de soleil. Il peut être un second plan, un décor de fond de scène.
La bibliothèque, elle pourrait être un endroit frais et ombragé, loin du rythme de la ville en mouvement.
... mais attention, une des caractéristiques du passant dans la rue est qu’il circule souvent comme un somnambule et qu’il faut un incident, un appel, une sollicitation pour le sortir de sa torpeur. Notre cocarde sera-t-elle suffisante ?
a : Les ambiances, les couleurs, on commence déjà bien à imaginer ces espaces républicains. Que reste-t-il ?
s : Les formes !

Mettons-y les formes

a : Peut-on coller une étiquette symbolique sur une forme ? L’espace public a-t-il une forme ? C’est un jeu dangereux... mais pourquoi ne pas oser...
s : Des formes symétriques (cercles fermés, lignes droites, angles…), nettes et affirmées pour un espace sérieux, de confrontation, parfois dur. Par leur fort caractère, ces formes provoquent la critique, la réaction, comme le ferait un discours politique.
De la souplesse et de la rondeur pour un espace de liberté : on lâche du lest, c’est la liberté, l’absence de contrainte, on arrondit les angles des idées et des allées. L’œil glisse sur les formes du parc comme la liberté du citoyen lui permet de glisser sur les conventions. Aucune aspérité ne vient perturber sa ballade.
Du confort, de l’épaisseur moelleuse dans lesquels s’enfoncer pour un espace de sérénité. Ainsi bien installés et en confiance, les habitants osent enfin croiser le regard de leur voisin et instaurer le dialogue. A partir de là, le promeneur pourra partager sa lecture avec son voisin et initier un rapport de fraternité.
a : Si tu l’dis.

a : Voilà, on le tient notre espace républicain ! Son dessin, ses couleurs, ses formes, tout est pensé pour le citoyen. Désormais, c’est lui qui décidera de l’utilisation de la place, du parc et qui lui donnera sa dimension démocratique. La liberté, l’égalité et la fraternité seront-elles au rendez-vous ? d’ici quelques années, nous aurons la réponse...

Publicité
Commentaires
Espace public républicain - Champeaux, architecte
Publicité
Espace public républicain - Champeaux, architecte
Publicité